Quelles particularités présente la prescription d’une inaptitude chez les salarié(e)s intermittent(e)s du spectacle (IS) ?

L’inaptitude traduit l’inadéquation définitive entre les capacités physiques et/ou mentales d’un salarié et les capacités requises à son poste de travail. Il en est de même pour les IS, bien entendu, mais au-delà du poste de travail, parce qu’il s’agit le plus souvent de « métier-passion », cette inadéquation déborde le poste de travail et porte sur le métier lui-même de l’IS.

C’est donc plus souvent une inaptitude au métier qui est prononcée, plus qu’une inaptitude au poste de travail.

Cette notion « métier-passion » entraine aussi pour corollaire que l’IS devenu incapable de tenir son poste de travail s’exclue souvent de son propre chef du régime de l’intermittence à défaut de pouvoir s’y reconvertir, disparaissant par le fait du suivi en santé au travail.

L’inaptitude des IS est donc beaucoup moins fréquente que celle des salariés des autres branches professionnelles. Cette situation s’explique aussi en partie par le nombre important d’IS qui continuent à travailler au-delà de l’âge théorique de la retraite (voire « indéfiniment »). C’est le cas, par exemple, des comédiens/acteurs, des métiers liés à la musique et au chant ou encore des métiers de la réalisation et de la production.

Sur le plan technique, dans la majorité des cas le médecin du travail ne dispose pas des éléments réglementaires nécessaires à l’établissement de son avis d’inaptitude.

En effet, en premier lieu l’employeur de l’IS n’est pas « flêchable ». Les IS changent très souvent d’employeur, voire à chaque nouveau contrat (les techniciens effectuent en moyenne 21 missions par an et les artistes 13). Le médecin du travail ne peut donc pas organiser d’échanges avec un employeur privilégié (sauf en cas de « permittence », c’est-à-dire si l’IS travaille toujours avec le même employeur, ce qui est légalement interdit, en théorie…).

Conséquence de cette situation : puisque l’employeur est souvent « introuvable », la fiche d’entreprise nécessaire à l’avis d’inaptitude et alors hors de propos.

Ensuite, les conditions de travail, notamment les lieux de travail, changent (parfois radicalement) à chaque nouveau contrat, rendant l’étude du poste de travail souvent difficile, voire impossible à réaliser ou tout simplement non rentable pour le médecin du travail.

L’étude de poste, la fiche d’entreprise et l’échange avec l’employeur sont donc des éléments réglementaires qui feront la plupart du temps (sinon tout le temps) défaut au médecin du travail, ce qui est en contraventions avec le code du travail.

L’absence de réglementation expresse concernant les IS dans le code du travail et l’impossibilité le plus souvent de réunir les éléments réglementaires pour l’établissement de l’avis d’inaptitude ont conduit les médecins du travail de Thalie Santé à une attitude plurielle.

Certains rédigent l’avis d’inaptitude sur feuille de papier libre, en précisant les possibilités résiduelles de l’IS, d’autres utilisent l’attestation réglementaire, mais dans tous les cas sans renseigner la date de réalisation de la fiche d’entreprise, ni celle de l’étude de poste ni celle de l’échange avec l’employeur.

Il faut noter que cet avis d’inaptitude est en général réclamé par l’IS lui-même pour documenter à la suite l’ouverture de ses droits auprès d’organismes sociaux ou de formation. Le médecin du travail n’étant pas en lien avec un employeur (qui est absent de la procédure), il n’existe donc pas de ce côté de risque de contestation.

Il faut enfin noter que dans le cas d’une inaptitude décidée à l’initiative du médecin du travail, l’IS a droit aux mêmes modalités de recours que tout autre salarié (art. L. 4624-7 du code du travail).